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jeudi 1 mars 2012

Je suis faite comme ça - Juliette Gréco


Indomptable : c’est sans doute le terme qui caractérise le mieux Juliette Gréco.
Le titre de ses mémoires est inspiré d’un poème de Jacques Prévert, « Je suis comme je suis », qu’elle chanta après quelques modifications. Et en effet, ce poème, c’est tout à fait elle : une femme sans concessions et passionnée.

Avide de liberté, Juliette n’a jamais appartenu qu’à elle-même. Son rapport à la vie est intense, parfois violent, toujours sans artifices.
Elle se raconte ici avec franchise et humilité, nous conviant à un véritable voyage dans une époque révolue. De Sarte (qui fut à l’origine de sa carrière de chanteuse !) à Merleau-Ponty, en passant par Miles Davis, Boris Vian, Prévert, Brel et Gainsbourg, elle fréquenta les esprits les plus raffinés et talentueux. On la connaît comme muse de Saint-Germain-des-Prés, mais ce n’était là qu’une seconde vie. Très tôt, elle a connu la violence humaine qui la marquera à jamais.

Amoureuse des mots, de la poésie, amoureuse de l’autre, habitée par un besoin viscéral de contact humain, la chanson et la scène prennent rapidement une importance capitale dans sa vie. Elle connaîtra l’Amérique et l’aventure du cinéma, mais reviendra à ses premières amours.

Juliette porte un regard sévère sur notre monde, et la colère ne la quitte pas. Féministe des premières heures, elle revendique encore et toujours la liberté de choisir sa vie et s’inquiète pour une certaine tendance au renoncement, à l’abdication observée ici et là.
« Chanter est mon arme, ma façon de défendre la liberté. Je crois à l’importance des mots, à leur pouvoir. Choisir un texte, le chanter est un acte d’engagement… »

Vivante, libre, forte, elle repousse tout sentiment nostalgique. Elle écrit : « Aujourd’hui, je pourrais me contenter de rester sur mon image d’icône de Saint-Germain-des-Prés, d’aligner dans mes tours de chant Si tu t’imagines, Déshabillez-moi, La Javanaise, Les Feuilles mortes… et ça irait tout seul. Mais ce serait pour moi la mort, l’embaumement. Je veux rester dans la vie. Je suis interprète, je veux continuer à découvrir, à choisir des chansons nouvelles selon mon goût.»

Parallèlement à ses mémoires, Juliette vient de sortir un nouvel album, « Ça se traverse et c’est beau », inspiré par les ponts de Paris et véritable hommage à la ville qui a vu éclore son talent. Parmi les auteurs des textes : Marie Nimier, François Morel ou Philippe Sollers. Et plusieurs duos avec, entre autres, Marc Lavoine, Melody Gardot et Féfé. Début février, elle remontait sur scène pour trois soirs sur la scène du Théâtre du Châtelet à Paris.

« Je suis comme je suis » retrace le parcours à la fois atypique et passionnant d’une femme maître de ses choix, libre et courageuse. Et celui d’une bien belle âme.
À lire absolument.
 
Éditions Flammarion, 2012 – 346 pages (21,90 €)

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