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lundi 5 décembre 2011

La Nourrice - Marco Bellocchio


J'ai revu dernièrement ce très beau film de Bellocchio, sorti en 1999 et inspiré d'une nouvelle de Luigi Pirandello : il constitue, selon moi, l'une des plus belles réussites du réalisateur italien.
Plusieurs thèmes s'y entremêlent : le refus de la maternité, la question du traitement des maladies mentales à l'aube du XXème siècle, l'opposition bourgeoisie/monde paysan... le tout sur fond de revendications sociales dans l'Italie du début du siècle.

Vittoria (Valeria Bruni-Tedeschi) est l'épouse du professeur Mori (Fabrizio Bentivoglio), un psychiatre qui exerce sa profession avec passion dans un asile exclusivement féminin. Elle met au monde un enfant qu'elle refuse d'allaiter et pour lequel elle ne ressent aucun amour maternel. Le professeur décide alors de faire appel à une nourrice, Annetta (Maya Sansa), une jeune paysanne robuste et pleine de vie qui s’oppose à la pâle et tourmentée Vittoria.
Bien vite, celle-ci éprouve de la jalousie à l'égard d'Annetta chez qui l'instinct maternel est particulièrement développé ; la nourrice entoure d'attentions cet enfant qui n'est pas le sien, et la relation affective qu'elle parvient à construire avec le bébé provoque un malaise croissant chez Vittoria...

Outre le thème de la maternité non désirée, La Nourrice aborde notamment la question de la névrose féminine qui y est étroitement liée, et qu'on devine fréquente dans la société bourgeoise et conformiste de l'époque. Non seulement Vittoria éprouve de la jalousie pour Annetta, mais elle reconnaît aussi chez la jeune fille un sens profond de la liberté, une liberté dont elle-même qui n'existe qu'à travers son statut d'épouse, n'a jamais véritablement pu jouir. Même le choix de la maternité lui a été imposé. Certes, Annetta est pauvre, analphabète, mais elle n'appartient qu'à elle-même. Vittoria, en revanche, souffre de sa condition et réprime en permanence de profonds  troubles névrotiques, sans doute précisément ceux que son mari tente de traiter chez ses patientes...

Bellocchio dresse ici deux portraits de femmes parfaitement opposés. Annetta est touchante dans sa volonté d'apprendre, de connaître, pour ne pas "rester la même toute [sa] vie", selon ses propres termes.
À sa demande, le professeur Mori commence à lui enseigner l'écriture et la lecture (ces séquences sont sans doute parmi les plus belles du film). Pour Annetta, la connaissance est synonyme de liberté. Vittoria, au contraire, semble s'étioler au fil des jours...
Par ailleurs, le thème de la liberté s'inscrit dans un climat d’agitation sociale particulièrement intense dans lequel Annetta est indirectement impliquée, à travers son amant... On retrouve bien là la patte du réalisateur engagé qu'est Marco Bellocchio.

La nourrice est vraiment un film magnifique que je vous invite à découvrir ! Les acteurs y sont exceptionnels, avec une mention spéciale pour Maya Sansa à laquelle Marco Bellocchio offrait là son premier rôle au cinéma.

2 commentaires:

  1. Magnifique, comment ne pas chercher à découvrir ce film après t'avoir lu. Je suis très touchée par ces différentes thématiques abordées dans le film, effectivement il n'y a pas grand choix pour ces femmes : la névrose (que l'on peut peut-être voir comme une sorte de colère non déclarée)ou l'acceptation de se voir figé dans une identité de femme enfant, un peu comme Nora dans La Maison de Poupée d'Ibsen (acceptation d'ailleurs limitée dans le récit d'Ibsen). Nous regarderons ce film ce week-end, merci Marie !

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  2. Tu es adorable, Aurélia ! J'ai beaucoup aimé ce film et évidemment ce que j'en dis là n'est que très superficiel, mais ce sont les aspects qui m'ont paru les plus intéressants...Il faudra me donner votre avis après l'avoir vu ! Je n'ai malheureusement pas encore vu ni lu La Maison de Poupée... je note !

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