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mercredi 14 décembre 2011

Le petit Audiard illustré par l'exemple - Philippe Durant


Je viens de terminer un livre vraiment réjouissant. Il s'agit d'une sorte de répertoire présentant les termes et les expressions les plus truculents et/ou caractéristiques des dialogues écrits par Michel Audiard. Chacun d'eux est contextualisé à l'aide d'exemples empruntés à différents films. Une explication accompagne le tout. Gorgés d'humour et parsemés de jeux de mots parfois grivois, ces commentaires sont un véritable régal !
En voici un exemple:

Gambilles/gambiller :

- Si on déjeunait ? Parce que moi, après le déjeuner, j'ai l'intention d'aller faire un tour.

- Et moi de gambiller !
(France Asselin et Pierre Brasseur dans Rue des Prairies)

Donne l'impression trompeuse d'être un parent de gambettes, que Mistinguett avait très belles. Pas tout à fait. Certes, il faut des gambettes pour gambiller. 
À l'origine, ce verbe signifiait marcher. Qu'en est-il des gambilles du samedi ? Ni marches forcées, ni trekkings dans les rues de Paris. Que fait-on avec ses jambes ? On marche, on court, on trottine, on saute, on expédie des coups de pied bien placés... et on danse ! Tagada tsoin tsoin. Pendant longtemps, la France s'amusa dans des bals populaires, dits "gambilles". Où elle dansait, donc "gambillait". Tradition festive qui permettait de mettre ses gants brillants, de se dégourdir les gambettes et de repousser les grandes bêtes.

On pénètre ainsi dans le petit monde d'Audiard, difficilement compréhensible si l'on n'en détient pas les clefs.

Le plus souvent d'origine argotique, le vocabulaire explicité comprend également beaucoup de références culturelles propres aux années 50/60, la "grande époque" d'Audiard. On apprend ainsi ce qu'était "le service des garnis", "L'homme du XXème siècle", ou encore un "mêlé-casse".
Grand lecteur et doté d'une vaste culture, le dialoguiste truffe aussi ses répliques d'allusions à des personnages littéraires ou historiques, ainsi qu'à des évènements célèbres.
Quant à l'argot, soit il le reprend tel quel, soit il l'adapte en étendant ou restreignant le sens originel du mot.
L'auteur décortique chaque mot ou expression, précise son origine et son éventuelle évolution, en donne les synonymes. Ainsi, les "bigorneaux", "mirotons",  et autres "sorcières aux dents vertes",  n'auront plus de secrets pour vous !
Audiard aimait jouer avec les mots. Le langage fleuri qu'il est parvenu à élaborer constitue un véritable plaisir sensoriel : on le hume et on s'en délecte.

Le livre s'achève avec un florilège des clins d’œil et citations littéraires dont il faisait grand usage, suivi de la liste des films dialogués par ses soins.

À la lecture d'un tel ouvrage, on n'a qu'une envie : voir ou revoir Les Tontons Flingeurs, Le Cave se rebiffe, Les Barbouzes ou Un Taxi pour Tobrouk !

Nouveau Monde Éditions, 2011.
207 pages

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